Désencombrement : a-t-on le droit de trier ses livres ?

Le livre est-il sacré ? A-t-on le droit de trier sa bibliothèque ? C’est un très vaste débat… Et, étrangement, quand on parle de minimalisme ou de tri, c’est le gros sujet polémique. Pourquoi tant de passion autour du livre ?

Je t’explique tout cela tout de suite.

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Mais pour commencer, je vais te raconter mon rapport au livre.

J’ai grandi dans une maison remplie de livres. Avec une immense bibliothèque qui faisait la fierté de ma mère. Quand nous allions chez les amis de mes parents, eux aussi avaient nombre d’étagères ployant sous le poids de leurs livres. Les plus branchés d’entre eux avaient aussi chez eux de vastes rayonnages de BD.

Le record appartenait à ceux dont l’intégralité des pans de murs de plusieurs pièces avaient été habillée d’étagères chargées de livres. On ne voyait plus les murs. Impossible de savoir de quelle couleur pouvait être la peinture ou du papier peint ! La couche épaisse de livres entre les murs et la pièce devait constituer une isolation efficace. Un peu comme dans les cabanes de livres de Gaston Lagaffe, en moins poétique.

Nous revenions de nos expéditions à la bibliothèque chargés de livres, après avoir passé des heures à explorer religieusement et méthodiquement ce fabuleux sanctuaire, à choisir avec soin nos futurs compagnons de voyage, à feuilleter et bouquiner. Sur place ou à emporter ? Les deux !!

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Le livre symbole

Dans le contexte dans lequel j’ai grandi, le livre n’était pas juste un objet. C’était un symbole. Il incarnait la Culture, la Connaissance, le Savoir. (Avec des majuscules !)

Il fallait le respecter. Le traiter avec soin.

Malheur à celui ou celle qui abîmait involontairement un livre en le transportant !
Honte à celui ou celle qui l’écornait délibérément, qui prenait des notes dedans ou surlignait un passage !
Gare à celui ou celle qui s’endormait dans son bain et apprenait ainsi à nager à son bouquin !
En termes de crime, on n’était pas loin d’être rangés avec les dictateurs coupables d’autodafés.

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Il s’est passé du temps avant que je remettre cette symbolique en question. C’est ainsi que dans mes objectifs de jeune adulte, il y avait la constitution de ma bibliothèque. Elle devait être composée :

  • des livres qui m’ont le plus marquée et façonnée, pour que ceux qui me rendent visite puissent savoir qui je suis,
  • des livres que j’avais envie de pouvoir lire et relire au fil des années,
  • des livres que je voulais pouvoir partager avec d’autres,
  • de monuments de la Culture que je n’avais pas encore lu mais que je comptais bien lire un jour, car il faut avoir lu ses classiques, mais il est tout aussi essentiel de leur réserver une place importante dans sa bibliothèque,
  • d’une très vaste collection de BD, avec des titres bien choisis, pour montrer que je ne suis pas que cette personne sérieuse et rigide que tout le monde voit (coolitude absolue, donc !)
  • de tous mes dictionnaires (petit robert, synonymes, rimes, bilingues) et manuels de langue qui prouvaient que j’étais une intellectuelle et asseyaient mon statut de traductrice (mon métier à l’époque).

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Lorsque j’ai découvert la simplicité volontaire, l’idée de réduire mes possessions à l’essentiel me parlait. Je suivais avec attention les publications de deux blogueuse, Aspen et Cherryplum, rédactrice du « Bio-blog, chroniques de deux consommatrices repenties ». A l’époque, Alice Le Guiffant et Laurence Paré (leurs vrais noms), n’étaient pas encore les auteures de « L’art du désencombrement, se libérer de l’inutile pour vivre plus léger » paru plus tard aux éditions Jouvence. Un jour, Cherryplum a parlé de l’évolution de son rapport au livre. Et ça a ouvert une brèche salutaire dans mon esprit.

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Le livre statut social

Je me croyais maligne en n’étant jamais tombé dans le panneau de la course à l’affichage extérieur de la réussite sociale : les fringues à la mode et de marque, les bijoux, les montres, la grosse voiture qui en jette, la grande et belle maison, les derniers gadgets high tech, etc.

Je n’avais jamais envisagé la possibilité que j’avais succombé à ma manière. Étaler mes livres c’était me rassurer sur mon intelligence, montrer que je méritais de faire partie de la caste des intellectuels.

Mais associer à ma bibliothèque ma collection de BD et de jeux de société, c’était casser un peu cette image rigide de l’intello trop sérieuse et montrer mon côté fun et convivial.

Tout un programme !

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La prise de conscience m’a aidé à lâcher sur le plan mental. Très lentement. Puis, les nombreux déménagements m’ont « obligée » à faire un peu de tri. Mais ce n’est qu’avec Marie Kondo et son étincelle de joie que j’ai vraiment réussi à lâcher mes précieux bouquins !

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Le livre en attente d’être lu

Avant Marie Kondo, j’avais des étagères pleines de livres que je n’avais pas encore lus. Des cadeaux qui ne m’avaient toujours pas inspirée. Des monuments de la littérature qu’il faut avoir lu, puisque ce sont des classiques. Mais surtout des kilos de livres que je voulais lire et intégrer pour acquérir un savoir, un savoir-faire ou un savoir-être. J’en avais lu certains, mais ne les avais pas encore mis en pratique. J’en avais commencé d’autres. D’autres encore n’avaient jamais été ouverts.

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Grâce à Marie Kondo, j’ai réalisé que tous ces livres qui n’avaient pas accompli leur destinée étaient pour moi une source de tristesse mêlée de culpabilité.

J’ai d’abord été très dérangée par la section « Les livres toujours pas lus » de La Magie du Rangement, dont le sous-titre est « « Un de ces jours » signifie « jamais » ». Parce que se séparer d’un livre que l’on n’aime pas est une chose. Mais comment se séparer d’un livre alors que l’on ne sait même pas si on va l’aimer ou pas ?

Pourtant Marie Kondo avait raison. Tous mes non-lus me rappelaient que je n’avais pas respecté l’accord tacite que j’avais passé avec eux. Je me suis sentie infiniment plus libre en leur offrant une nouvelle vie. Et je sais que le jour où j’aurai besoin d’un livre particulier, la vie saura le (re)mettre sur mon chemin.

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Trier mes livres, ça aussi été l’occasion de faire le point sur moi, sur mon cheminement, mon évolution. Quelle image de moi avais-je voulu renvoyer en exposant tel livre ? Quel savoir ou quelle compétence avais-je voulu développer en achetant telle série de livres sur telle thématique ? Quel problème avais-je souhaité résoudre ? Était-ce encore d’actualité ? Était-ce une priorité ?

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Aujourd’hui je suis l’heureuse propriétaire d’une trentaine de livre. Mes chéris adorés absolus et quelques indispensables très appréciés. Ça rend les déménagements plus légers !

J’ai arrêté les razzias compulsives à la Fnac ou sur Amazon. Lorsque je l’envie de consommer des livres me prend, je vais à la bibliothèque… j’en ressors toujours les bras chargés, mais il n’est pas rare que je ramène quelques semaines plus tard des livres que j’ai à peine ouverts…

Je fais encore des erreurs d’achats ou des achats de courte durée. Mais il est très facile de revendre des livres neufs et récents. Si le sujet t’intéresse, je t’en parle la semaine prochaine !

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Et toi ?
C’est quoi ton rapport au livre ?
Objet ou sacré ? As-tu déjà envisagé de désencombrer ta bibliothèque ?
Raconte-nous !

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6 réflexions au sujet de “Désencombrement : a-t-on le droit de trier ses livres ?”

  1. Article passionnant. Pour ma part, j’ai constaté un jour que je pouvais me séparer de tout, sauf des photos d’autrefois et des livres. J’ai pris conscience que le jour où je pourrais me séparer des livres, j’aurais fait un grand pas dans la vie, car je m’identifiais presque à ces rayonnages.
    Lors du seul déménagement où j’ai fait appel à des déménageurs professionnels, je me suis sentie honteuse en voyant ces hommes souffrir à porter tous ces livres, pourtant répartis dans de petits cartons. « Vous avez une collection de cailloux? » m’ont-ils demandé…
    Et puis j’ai trié : les livres que j’avais lu et relu, les livres que je gardais pour prêter, partager, ceux que je voulais faire découvrir à ma fille, ceux que j’aimais retrouver juste pour lire une phrase ou un chapitre, ceux que je ne relirai pas, ceux que je n’aimais pas vraiment mais qu’une personne chère m’avait offert, ceux que…, ceux qui… etc.
    Et puis j’avais changé. J’attendais maintenant d’un livre qu’il me permette d’avancer, de me comprendre, pour moi-même mais aussi pour mieux comprendre les autres.
    J’ai fait des cartons : à proposer à la bibliothèque, à donner à Emmaüs. Et lorsque les amis passaient à la maison, ils se servaient, prenaient ce qui les intéressaient, dans ces cartons. Et finalement tout est parti. Lorsque j’ai commencé ce tri, j’étais angoissée, peur de me tromper, peur de regretter. ‘ai vu que cela suscitait de l’incompréhension parmi mes amis : « Pourquoi tu fais cela ? » Et finalement, je me suis sentie légère et tranquille. En plus, voilà un souci de moins pour ceux qui devront vider la maison le jour où je tirerai ma révérence. Et cela m’allège encore davantage.
    Contrairement à Emilie, j’ai plus de 30 livres. J’ai aussi gardé une partie des livres d’enfants de ma fille pour les faire découvrir à son fils… On m’offre des livres, que je donne ou pas après les avoir lu. Je ne garde plus de romans et n’en achète pas. Je les trouve à la bibliothèque.
    Les livres sont dans ma chambre, invisibles ou presque pour les autres. Dans un placard aussi. Ils sont là pour moi, à mon service. Et maintenant je trie régulièrement, avant qu’ils ne débordent l’espace imparti.
    Merci pour ton article.
    PS J’imagine que l’adresse mail n’est pas publiée…

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  2. Quand j’étais plus jeune, j’adorai lire souvent des romans policiers que j’empruntais à une amie de la famille/bibliothèque ou que j’achetais d’occasion. Maintenant ces livres sont restés dans la bibliothèque de mes parents. Je n’y ai jamais retouché depuis… Aujourd’hui, quand j’achète un livre je pense maintenant à son utilité dans la vie de tous les jours, un moyen de référence, comme les sujets qui traitent de la santé, l’environnement avec le zéro déchet, naturopathie, le développement personnel,…
    J’ai arrêté depuis longtemps d’acheter des romans et je me retrouve aujourd’hui avec une petite bibliothèque d’une trentaine de livres (peut être moins) chez moi. Ce que je trouve suffisant pour le moment.
    Merci encore pour cette article !!

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  3. J’avais beaucoup de livres. Grande lectrice, j’aimais le contact avec le papier et me rappeler leur lecture en les voyant. Je devais en avoir plus de cent et mon mari autant.
    Il y a 15 jours notre maison a brûlé… Presque tous les livres sont partis en fumée dont tous mes livres que je chérissais.
    Je me suis rendue compte que c’était trop. Je repars à 0 en me promettant de ne plus en acheter autant. Peut être des livres en version kindle. A voir

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    • Le désencombrement est généralement un processus long et douloureux. Mais je n’imagine même pas l’impact d’un désencombrement subi aussi radical !
      Bravo de voir le bon côté des choses et de faire de cette épreuve une page blanche, un nouveau départ.
      Bon courage dans la construction de ta vie douce et légère, sur-mesure !

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  4. Ah mes livres… toute une histoire, que j’ai réussi à réduire très récemment (j’ai 65 ans) ! Lors de chaque déménagement, il y en avait toujours quelques uns qui disparaissaient, mais jamais des « abandons » majeurs ! Après des dons aux bibliothèques des écoles, des envois collectifs en Afrique, il m’en restait encore des cartons et des cartons à trimbaler lors des déménagements… et puis, une page se tourne dans ma vie, et je décide de m’alléger aussi côté bouquins. Je n’ai gardé QUE la petite cinquantaine qui me tient le plus à coeur, ou plutôt que j’ai déjà lue et relue ; c’est paradoxale ! en toute logique, j’aurais dû garder ceux que je n’avais pas lus… eh bien non… ; voilà, simple partage d’expérience, ce problème est insoluble pour qui aime les livres (et je ne parle pas des Kindle… pas le même plaisir du tout).

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